Salon et automobile, le syndrome du jumeau maléfique

La fête annoncée n’a pas eu lieu… Après deux années de privation de salon automobile, l’ouverture du salon de Munich, dont on ne savait toujours pas, quelques jours auparavant, s’il aurait vraiment lieu, n’a pas soulevé l’enthousiasme ni côté journalistes, qui viennent par milliers du monde entier, ni du côté des exposants. Cette première édition dans la ville de BMW après 70 ans en territoire neutre (Francfort) est donc un rendez-vous manqué, et sonne comme un avertissement pour le salon de Paris en alternance une année sur deux. Un salon coupé aux deux extrémités de la ville, de très nombreux constructeurs absents, les show rooms qui ouvrent leur porte une fois que les journalistes ont quitté les lieux…

L’édition parisienne prévue en septembre 2022 va devoir tirer les leçons de ce qui n’a pas fonctionné à Munich. Car c’est l’avenir des salons qui est en jeu. Si l’on combine le désamour croissant de la société à l’égard de l’automobile et du paysage actuel de l’industrie automobile (concurrence accrue, investissements qui explosent dans la transition énergétique, la connectivité ou l’autonomie), le salon doit retrouver une nouvelle place. Pour les constructeurs automobiles, il n’est plus question de consacrer les budgets faramineux exigés par les organisateurs et qui s’élèvent à des dizaines de millions d’euros pour les plus pharaoniques. “Le retour sur investissement n’est plus aussi évident”, expliquent-ils en chœur.

D’ailleurs, Carlos Tavares, le patron du groupe Stellantis, dont la réputation de « cost killer darwiniste» n’est plus à faire, a envoyé un sérieux avertissement aux organisateurs parisiens…Les 12 marques du groupe ont boycotté le salon. Mais il n’est pas le seul : Nissan, Suzuki, Volvo, Toyota… Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, le rapport de force est désormais du côté des constructeurs. Et Carlos Tavares a pris la tête de cette rébellion, mais avec Paris dans le viseur…

Car Munich pouvait parfaitement se passer de la présence d’Opel, la seule marque allemande du groupe Stellantis (qui a pourtant des choses à dire et à montrer), en s’appuyant sur toutes les autres marques nationales et qui sont autrement plus puissantes : Volkswagen, Audi, Mercedes, BMW… Paris, en revanche, ne pourra pas se permettre que les marques françaises du groupe Stellantis lui fassent faux bond. Car si chez Renault on continue à chérir les salons comme un rendez-vous important avec les médias et le public, Peugeot, Citroën ou DS ont appris à vivre sans.

Pour les organisateurs du salon de Paris, le défi est donc double : réhabiliter ce rendez-vous de l’automobile auprès du grand public en le dédiant davantage à la mobilité, sauf que cette discipline est moins spectaculaire que des stands de concepts cars fusillés par les projecteurs. L’autre défi est de lui trouver un nouveau modèle économique qui soit plus “ frugal”, pour reprendre le mot favori de Carlos Tavares. Autrement dit moins coûteux. En réalité, l’avenir des salons automobiles est à l’image de l’automobile elle-même. Il doit retrouver un modèle et un public. Il est permis de penser que la mort de l’un préfigurera celle de l’autre, et Carlos Tavares le sait probablement..

Par Nabil Bourassi
Journaliste industrie automobile et mobilités à La Tribune