Nos chères autos ont déjà repris le chemin de l’école. Après un premier examen de passage le 14 septembre à Francfort, la grand-messe de l’automobile est en pleine mutation alors que les constructeurs boudent de plus en plus les salons internationaux. Une preuve de plus que l’industrie est à l’aune d’une nouvelle ère avec devant elle des enjeux colossaux. État des lieux.
Tous les deux ans, en alternance avec le Mondial de Paris, le Salon de Francfort siffle la rentrée des classes automobiles. Historiquement, ces deux événements majeurs de l’année carrossée attirent les plus prestigieux constructeurs de la planète qui profitent de l’occasion, et de l’affluence inégalée de ces salons, pour présenter leurs principales nouveautés. Shows à l’américaine, stands démesurés, ces rendez-vous ont toujours été d’impressionnantes fêtes.
La donne est toutefois en train de changer en profondeur. Les marques tournent de plus en plus le dos à ces kermesses extravagantes. Pour cette édition 2019 du Salon de Francfort, qui se déroula du 14 au 22 septembre, ce sont près de vingt constructeurs qui ont décliné l’invitation allemande. Et pas des moindres. Les firmes françaises, hormis un petit stand de Renault, en dehors des halls d’exposition, étaient aux abonnés absents. Tout comme les principaux acteurs japonais (Toyota, Mitsubishi, Nissan) et les grandes enseignes du luxe, au premier rang desquelles figure Ferrari. Même les champions locaux ne sont plus à la fête. Fini les bacchanales, place aux présentations raisonnables.
Plusieurs facteurs expliquent un tel désamour. On pourrait penser que la baisse de fréquentation mesurée ces dernières années (-13% pour Francfort 2017) explique cette tendance de fond, mais il s’agit davantage d’une conséquence, en réponse à l’absence relative de nouveautés et de grands noms, que d’une cause.
Les raisons sont à chercher ailleurs. Tout d’abord, la concurrence des autres salons est rude. Les constructeurs rationalisent leur présence, la plupart ayant fait le choix de ne cocher qu’un rendez-vous annuel par région du monde. Ceux qui veulent rehausser leur image de marque préfèrent maintenant Genève, plus prestigieux et surtout à taille plus humaine. Pour autant, même le salon suisse souffre.
L‘autre raison est le recours, par les marques, aux nouveaux supports de communication pour présenter leurs nouveautés. Une grande partie des budgets marketing ont été aspirés par internet et les réseaux sociaux. Les enseignes préfèrent désormais monter des événements plus spécifiques, bien relayés sur la Toile, et boudent les grands-messes où leur message se perd dans la masse.
Enfin, le ticket d’entrée pour ces salons est de plus en plus élevé. Un stand peut coûter jusqu’à plusieurs millions d’euros entre le personnel qualifié qui doit s’y rendre, la location de l’espace ou encore l’ensemble de la logistique. Certes, le marché a repris des couleurs, mais les constructeurs, bien conscients des enjeux qui se présentent à eux, préfèrent garder leurs précieux deniers pour des investissements cruciaux.
L’horizon de tous les possibles
Il faut dire que jamais dans l’histoire de l’industrie automobile n’a été confrontée à de tels bouleversements. La transition énergétique, l’urgence écologique, la voiture autonome, la sécurité routière, les infrastructures intelligentes … l’avenir est aussi incertain que passionnant et la mobilité de demain n’aura sans doute rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Les décideurs sont aujourd’hui face à des choix qui auront des répercussions sur plusieurs décennies.
Comment répondre à la dégradation climatique lorsqu’on en est en partie la cause ? Électricité totale ou hybridation ? Renault, pourtant en avance avec la Zoé, a choisi la deuxième voie, par exemple, pour son dernier Captur, alors que la Peugeot 2008 s’avance déjà avec une version 100% électrique. 5 G ou Wifi ? Quelles normes pour l’interconnexion entre les véhicules ?
Certains prendront le parti d’une solution propriétaire, pour garder la main sur leur écosystème, d’autres miseront sur un système ouvert, pour toucher un plus grand nombre de personnes. Quid de l’énergie d’après-demain? Faut-il investir dans l’hydrogène? Toutes ces questions et bien d’autres encore, obnubilent les marques et nécessiteront des ressources colossales pour être correctement appréhendées.
C’est sans doute là tout l’intérêt actuel des grands salons internationaux comme Francfort : prendre le pouls du secteur et découvrir les grandes tendances ainsi que les premiers éléments de réponses que posent les constructeurs. Qui dit nouveau cycle, dit nouveaux pionniers et il est passionnant de voir les défricheurs à l’oeuvre. Découvrir la nouvelle Porsche Taycan, le premier modèle électrique de l’emblématique enseigne, a quelque chose de magique qu’il ne faut pas bouder. » Driving tomorrow » («conduire demain»), le slogan de cette édition 2019 du Salon de Francfort, se pense dès aujourd’hui.